Né en 1972, son atelier se trouve près de Rennes. « Je suis peintre. La figure humaine est mon sujet unique. Je la peins comme on creuse un sillon, chaque jour le même et chaque jour différent, un chemin que l'on parcourt inlassablement, pour le connaître mieux, pour le comprendre, pour l'apprivoiser et le rendre familier. Ces figures m'offrent un support pour questionner la lumière, qui les fait tour à tour apparaître ou disparaître. La toile est une suite d'étapes, elle donne à voir son sujet, qu'elle affirme même, mais pas seulement : elle laisse deviner d'autres possibilités, d'autres mises en lumière. Recouvrir la toile entière de couches successives de peinture sombre, faire disparaître la lumière et la figure, risquer de tout perdre, frotter, arracher les corps à l'obscurité... Peindre, construire, détruire, devenir abstrait, refuser de franchir le pas. La figure humaine se résumait au départ pour moi à de grandes têtes plein cadre, une peinture physique, un jeu d'équilibre fragile entre mon geste, la matière, la lumière et la figuration. La tête s'inventait peu à peu au fil des accidents, à la fois cadre et support d'une pratique énergique. Les têtes se sont rapidement rétrécies, s'inscrivant dans un espace monochrome de plus en plus présent. De cette composition nouvelle, des bustes, parfois des corps semblant drapés d'oripeaux, sont apparus. Ils sont pour moi davantage des socles de peinture brute pour ces têtes que des figurations littérales… Mes peintures se trouvent de plus en plus liées à une dramaturgie, au théâtre, à la peinture classique comme si des images avaient exercé une persistance rétinienne sur moi. Une sorte d'héritage plus ou moins conscient duquel se détachent le Caravage, Rembrandt et quelques autres. Mais si mon travail fait référence à la peinture elle-même ou à une autre forme d'art au point, à présent, de revendiquer cet attachement, un autre élément est à considérer. Au-delà de la recherche proprement plastique, la figure humaine n'est pas qu'un sujet de peinture… Têtes sans âge, sans expression souvent, sans genre parfois, qui n'offrent que leur présence. Des têtes masques, vides, traitées comme une nature morte. Une vanité ? Des têtes génériques. Jamais un portrait. Un être sans identité. Neutralisé. Un absent, un oublié, qui simplement offre sa présence. Qui l'impose. Une présence appuyée par un (non)regard tourné invariablement vers le spectateur et semblant hermétique à tout jugement… Il y a une quinzaine d'années, J'ai mis en place un atelier de création artistique dans un hôpital psychiatrique. L'aventure s'est avérée plus longue que prévu, elle a duré 7 ans. L'hôpital était presque une ville dans la ville. Mais une ville différente, avec un tissu social morcelé, qui n'abritait pas un ensemble mais une addition d'individus. Une partie méconnue, abstraite du monde que l'on connaît. J'y ai rencontré des personnes en panne d'identité. Des personnes brisées. Des personnes qui venaient de notre monde et qui auraient pu être moi. Le sujet de ma peinture s'est déplacé peu à peu. Sans doute par cette proximité avec la folie. Dans cet hôpital, j'ai rencontré des personnes sans artifices. Un dépouillement, une mise à nu des sentiments qui ont exercé sur moi une attraction vers l'altérité, et m'ont imposé la prise de conscience du singulier. Une attraction vers une population en dehors ou en lisière du monde… » Pascal Laloy, La Présence des Invisibles, extraits d’un texte écrit en 2014.