Né en 1944, vit et travaille à Caluire et Cuire, 69 « Ma vie a toujours proche du trait et de l’illustration. Dès l’enfance ce fut les BD noir et blanc des héros de l’Ouest. Un peu plus tard, apprentissage en architecture, puis Le Service militaire au Service Géographique des Armées. Enfin une vie professionnelle passée exclusivement comme dessinateur cartographe dans un bureau d’étude (Région lyonnaise). C’est dans ce contexte que j’ai rencontré les cartons moulés (emballages de cartouches pour imprimantes) qui par leurs formes étranges et tellement diverses, ne cessent de m’inspirer. Parallèlement, avec deux amis artistes (Loren et Guy Dallevet) nous avons organisé la Biennale hors les Normes de Lyon (BHN). Cette aventure riche a duré pour moi une vingtaine d’années. » Ce n’est pas de la peinture, ce n’est pas de la sculpture. Mais c’est drôle, moqueur et poétique, iconoclaste et blasphématoire, grotesque et attendrissant. A partir de cartons d’emballage, comme déformés à coups de poing, cet artiste porte sur le genre humain un regard critique et impitoyable, mais avec ironie et bonne santé, humour et tristesse amusée. Chez J. F. Rieux, dans un bouleversement de formes originelles, les visages se métamorphosent en masques figés, impassibles, froids, détachés, qui jamais ne rient, dont les yeux clownesques, outrageusement orbiculaires et concaves rongent la face, prégnants, fascinants de fixité, comme un reproche, une accusation. Et les corps contrefaits, déformés, déjetés, monstrueusement drôles, renaissent marionnettes, pantins, bouffons, paillasses grotesques, histrions, pauvres simulacres d’humains dérisoires qui, sur le théâtre de la vie, jouent une comédie, plutôt une tragédie « aux cent actes divers dont la scène est l’univers. Charles Gourdon Ils sont dans des cadres très simples, tels des cercueils pour miséreux ; ils « reposent » au milieu d’un fond noir ou blanc. Ils ont l’air « solides » comme le roc, mais ils sont de cartons de récupération arrachés aux déchetteries ou au feu. Leur raideur est-elle cadavérique ? Ou au contraire bandent-ils leurs muscles pour mieux résister, dans ce huis clos où on les a relégués, à une pression sociale qui s’imposerait de l’extérieur ? A aucun moment, le visiteur n’aura une réponse à ses interrogations, à la fois semblables et décalées d’une œuvre à l’autre… Au fil des œuvres, l’artiste développe les désenchantements des existences qu’il met en scène, l’absence de complicité, la solitude, en fait : ainsi ce Couple au lit, où chacun est à « sa » place, tournant résolument le dos à l’autre… Enfin, il y a bien peu, voire pas du tout d’intimité pour les êtres qu’il crée : lorsqu’ils sont « entiers », ils deviennent des sortes de spécimens voués à quelque leçon d’anatomie, exhibant à deux mains leur thorax dénudés ; fléchés comme pour un jeu de piste, afin que nul ne s’égare sur le parcours auquel ils sont soumis ; arc-boutés, hurlant leur « Merde alors ! » en train d’accoucher visiblement dans la douleur… Jeanine Rivais