Né en 1955, vit et travaille à Dieulefit. Roland Dutel se définissait en 1993 comme un sculpteur bâtisseur. C’est parce qu’il voulait construire des piliers pour installer un portail neuf dans la cour de sa maison et qu’il avait remarqué des briques et des poteries à la décharge publique qu’il commença en 1989 la construction d’un lieu insolite: La Demeure aux Figures, à Dieulefit, dans la Drôme. Construction répertoriée dans le livre : La France Insolite de Claude Arz. Il a créé un univers fantastique de mini-jardins, de façades, de murs et de cavernes en utilisant des pierres volcaniques, des briques et des poteries retaillées et remodelées selon sa fantaisie. Cette maison d’errance, à la fois, atelier, galerie, maison est pour l’instant en suspens, mais il est toujours possible de la visiter en l’état. Un homme a rejoint sa demeure Je ne saurais définir l’art. À dire vrai, cela m’importe peu. Parler de l’art c’est comme parler d’amour. On cherche ses mots. On jette alentour quelques phrases qui ne seront jamais qu’une approximation. Une image. Un fragment d’étoile dans le trou noir de la pensée, de la mémoire, du rêve ou de la vie. Parler d’amour, c’est dire : j’aime. Ou je t’aime. Ou je vous aime. Évidemment, cela ne suffit pas. Alors on se met en quête du plus grand nombre possible de parce que. On les distribue autour de soi comme autant de justifications. Il n’y a rien là de nouveau. Ni d’original. Aimer n’est pas original. C’est simplement essentiel. Ça permet de tenir sa partie en face de la mort qui montre son mufle. L’Art, c’est peut-être ça, parfois. Un énorme éclat de rire devant le mufle hideux de la mort. « C’est qui la mort ? …. C’est quand on aime plus rien ? » Voilà ce qu’a écrit un jour, un petit garçon de dix ans. Il avait même eu la pudeur de poser cela comme question. « Nous nous abreuverons au jus bleu par-dessus bord et alors nous déciderons de combattre le monstre. » C’est Roland Dutel qui dit cela avec la même pudeur que l’enfant. Il l’inscrit. Il le sculpte en lettres et en mots à l’intérieur d’une toile. Il y a des mots-lumières. Comme les années. Il faut avoir beaucoup de patience et beaucoup d’amour pour les prononcer. Peut-être en faut-il pour les entendre. J’aime l’art de Roland Dutel. Pour moi, son univers ressemble à une maison. Une maison très ancienne. Une maison où l’on n’achetait ni les briques, ni les pierres, ni les chevrons. Une maison que l’on inventait au fur et à mesure des saisons. La demeure De Roland Dutel est une demeure singulière. Une demeure d’errance. Une demeure de passage. Une demeure pour accueillir les jours. Qui sait combien de temps il a cherché sa demeure ? Qu’importe. Elle est là, sacrée comme une icône. Barbare comme un arbre frappé par la foudre. Vivante comme un regard. Jean-Pierre Spilmont, catalogue le Pluriel des Singuliers, édition Actes Sud 1998