Née en 1961, Béatrice Elso vit au Pays Basque français. Son travail entremêle des visions surréalistes et des éléments biographiques. Depuis ses premiers travaux, des œuvres sur papier à l’encre noire, elle a introduit le découpage papier, la couleur et le volume. Ses bas-reliefs et ses boites de spectacle engloutissent le regard dans un bestiaire orgiaque. Animaux imaginaires et personnages sardoniques s’entredévorent dans une atmosphère carnavalesque. L’œuvre est finement ciselée, découpée, assemblée. Elso est une orfèvre et une sorcière. Autodidacte au travail éblouissant, elle a fréquenté les ateliers de l’Art Cru à Bordeaux. « Dessiner c’est comme respirer… c’est vital. Une grande inspiration pour puiser mes émotions. Au-delà des mots, quelque part sur les chemins de traverse, au fin fond de ma mémoire… de mes viscères… Je fouille dans tout ce fatras d’idées reçues, digérées ou avortées, idées héritées de je ne sais qui… arrivées je ne sais comment… Une grande expiration pour recracher ce sac de nœuds sur le papier je dessine pêle-mêle mes personnages à l’encre noire, livrés à un monde à la fois féroce et tendre… Je laisse la liberté au spectateur de recréer sa propre histoire. En dessinant, je réponds à un besoin vital d’exprimer ma vision du monde. Écriture spontanée, trait chirurgical, langage corporel. Je révèle à l’encre noire les traces d’une mémoire oubliée… Mémoire du corps. J’entre, j’explore, je fouille les entrailles d’où surgissent hommes femmes, enfants et monstres en tout genre, tous unis par le lien sacré de la vie. » Cette artiste développe de façon soutenue un univers onirique de haute densité poétique et de facture expressionniste bien crue. Provocation à la jouissance d’une pensée dessaisie de tout repère rationnel, jouissance succulente dans la présentation d’un monde totalement incongru, goûteux, dans lequel les trous et les liquides du corps remplissent avec vigueur leurs troubles fonctions érotiques. Le dessin est d’évidence son langage corporel. Elle tire à main levée un trait monolithe jusqu’à son aboutissement fantastique. Étrangeté, luxuriance, légèreté, fantaisie, renouvellement perpétuel du jeu imaginaire. On retrouve dans le langage résolument contemporain de Béatrice Elso les consonances ludiques d’une enfance à ciel ouvert dans un climat de cruauté féroce et tendre. Guy Lafargue, fondateur de l’Art Cru à Bordeaux L’intérieur du corps est un théâtre : il faut tirer le rideau et découvrir ce qui s’y joue. Un décor coloré et une scène primitive, fantasmatique, comme l’expression d’une inquiétude sur cette frontière souvent franchie par le sang, les humeurs, les fluides entre le dedans et le dehors. Tout ce va-et-vient nous est révélé par un travail radiographique qui met en évidence que c’est dans le ventre que la vie bouillonne, que c’est là et pas dans la tête que les chosent se décident. Texte de Emmanuel Merle pour le catalogue de l’exposition : Art Partagé 2016