Née en 1968, vit et travaille à Montoire sur le Loir C’est toujours un plaisir de rencontrer Sophie Delpy et Giovanni Scarciello dans leur Maison/ Atelier. En ce début d’année 2020, c’est aussi l’occasion de découvrir l’évolution de leur travail. Sophie et Giovanni ont créé, il y a quelques années, la grande famille des « T’art’empions » : tandis que Giovanni donnait à ceux-ci un corps en métal, Sophie leur fournissait un visage coloré, en raku. Aujourd’hui les « T’art’empions » forment une nombreuse tribu, gaie et colorée, née de l’imaginaire créatif de leurs géniteurs. Après les « T’art’empions » sont arrivés les « Totems », des créations de Sophie, de plus grande dimension, comportant un empilement d’éléments de formes et de dimensions différentes, très colorés qui confèrent à l’ensemble un aspect ludique et un peu déjanté. On ne peut donc qu’être surpris et interpellé lorsque l’on découvre “Les Ébranlés”, dernière création en date d’une artiste profondément marquée par le drame de l’immigration et frappée par l’aspect tragique de la condition humaine que nous révèle le sort de ces populations, condamnées au minimum à l’errance et au rejet, voire à la mort, par des sociétés égoïstes et imbues d’elles-mêmes. Sophie a choisi de représenter les migrants à travers des personnages composés de céramique enfumée, de morceaux de bois flotté, de métal rouillé, de débris de tissu, de ficelles, de vieux papier et de corde brûlés. Elle a fabriqué des silhouettes fantomatiques, symboles de la souffrance de ces déshérités rejetés par tous. Certains personnages sont démembrés, dépourvus de mains, de pieds, restes pathétiques déposés sur le sol. Leur dénuement s’oppose à l’opulence de sociétés où la vanité et le gaspillage font force de loi. “Les Ébranlés ” évoquent une sorte de cri sauvage poussé par l’artiste face à l’indifférence bavarde et à l’égoïsme ambiant. Seule note d’espérance : à l’arrière de leur tête, les statuettes sont munies d’une sorte d’ouverture dans laquelle Sophie veut voir une nouvelle voie pour l’avenir ; ces femmes, ces enfants, ces hommes retrouveront peut-être leur place dans une société qui aura été amenée à changer ses repères, au prix d’une douloureuse reconstruction. Sabine et Xavier Campion 2020 … Peu à peu son travail change. La matière prend une importance singulière dans sa création. Comme une peinture épaisse, la sensation de la terre lui plait. Elle la palpe et la pétrit. La main semble percevoir ce qui échappe à l’œil. En modelant l’argile, elle est au plus près de ses émotions et sa conscience artistique s’élargit… Sa main travaille avec l’intelligence du toucher atteignant l’aspect tragique de la condition humaine : la joie et la couleur disparaissent de ses œuvres. La peau de ses personnages se confond désormais avec la terre ocre du désert. A l’épreuve du feu, ses œuvres deviennent fortes et vibrantes : Plusieurs couches, environ 4 à la cire chaude. Pas d’émaillage sur cette nouvelle série … Ils sont là, présents, témoignant d’une humanité outragée. Ils ont des visages scarifiés, balafrés, blessés puis reprisés au fil de fer. Leurs yeux sont troués et leur bouche barrée. Imitant les gestes désespérés des migrants se faisant coudre la bouche pour enfin être entendus, l’artiste voudrait les comprendre Extraits d’un texte de Ileana CORNEA – Critique d’Art et Journaliste à Artension - Paris 2020