Né en 1935, vit dans une maison de retraite en Mayenne L’atelier d’Alain Lacoste est un lieu absolument étourdissant où sont entassés des milliers d’œuvres : des œuvres en souffrance, comme on dit d’un paquet qui n’est pas arrivé à bon port. Des bouteilles à la mer restées à fond de cale … Il faut voir Alain Lacoste penché sur sa table de travail. Alors que le marin cherche sur ses cartes comment éviter les tempêtes, lui, à travers ses taches, cherche à provoquer des ouragans ! « Les taches, c’est l’horreur sur le parquet, elles deviennent des merveilles dans mon atelier » Face à ses « petites coulures », il cherche les quarantièmes rugissants qui l’emmèneront vers des caps de bonne espérance : « Une œuvre, ça s’enchaîne ou ça se déchaîne. Le hasard fait de la bonne peinture à condition que quelqu’un le guette ». Et cela fait plus de trente ans qu’Alain Lacoste est sur le pont, à guetter ! « Trente ans que je suis là à me salir les mains avec mes machins » : ses « grandes colleries » ! Pour elles, il se fait glaneur de galets aux formes de gueules cassées, ou bien ramasseur de bois morts pour leur redonner vie, mais aussi chiffonnier d’Emmaüs à la recherche de vieilles chaussettes : « Non que je peigne avec les pieds, ni comme un pied, mais je dois les enfiler pour les pieds de nez » Quand l’artiste a rassemblé tous ces objets de rebut, il largue les amarres ! Et seul à la manœuvre il hisse la grande toile pour nous dire ses coups de gueule : « Mais ça va mieux en les peignant », pour nous dire aussi ses coups de cœur. Il fait chauffer la colle pour colmater les brèches de sa vie : « J’ai l’Araldite dans la peau » A grands coups d’agrafeuse il suture ses blessures, ses déchirures. Ses sculptures-uppercuts cachent en effet une hyper-sensibilité. La création est pour lui un refuge : « Je crée comme un prisonnier dans sa prison, pour me libérer ! » Ses œuvres sont des tentatives de respiration dans un monde suffocant. Entre deux coups de tabac, il apprivoise son espace. Dans ses vieilles souches, dans ses guenilles plissées et autres cailloux anthropomorphes, Alain Lacoste a le talent rare de faire surgir des visages criants, des animaux chimériques, qu’il rehausse ensuite de couleurs franches et éclatantes, comme pour mieux nous faire avaler la pilule … Ses compositions, où les personnages et les animaux s’enchevêtrent et s’imbriquent dans de véritables tourbillons, nous rappellent les chapiteaux romans dont l’artiste est fin connaisseur « Hé oui, l’ignorance ne s’apprend pas ! » Son utilisation des formes et des plissements de ses supports fait penser à l’homme préhistorique qui s’inspirait des reliefs de la roche pour donner silhouettes et modelés à ses animaux rupestres … Alain Lacoste est un dissident. Il nous donne à voir, à aimer si affinités, une œuvre rebelle. Apparenté à la mouvance dite Art Singulier, appartenance qu’il revendique d’ailleurs, il est aussi, et j’ai envie de dire avant tout, un important créateur de notre époque. Son travail nous dérange, nous déstabilise, nous heurte parfois. Mais n’est-ce pas le propre de l’Art ? Extraits d’un texte de Michel Leroux écrit pour une expo à Laval en 2010