Je suis née après le jour des morts : le 3 novembre 1970 . C’est l’usine Mazda de Puteaux qui a éclairé la sage-femme. Maman est Espagnole et Papa était Portugais. A l’âge de 5 ans je voulais être artiste et je dessinais des lapins en noir et blanc. J’ai grandi sur un bateau dans les Hauts-de-Seine. Très vite j’ai compris ce que voulait dire entre deux pays. Les doudous taxidermisés « Cette histoire commence par une première série en 2009. J’étais rentrée bouleversée d’une tournée en Palestine, Liban, Jordanie en 2008. J’amorçais alors un travail personnel sur le clown. J’avais besoin en parallèle à la compagnie Marieettonio d’exprimer des choses plus personnelles et de montrer ma propre vision du monde. Alors que je faisais du théâtre d’objets et du clown, c’est le thème du Vilain Petit Canard qui s’est d’abord imposé comme obsession. Sûrement la question de l’enfance volée, perdue, brutalisée me taraudait car c’est tout naturellement que j’ai choisi mes premiers doudous et peluches pour travailler ces thèmes. L’objet doudou se prêtait à une chirurgie délicieuse pour la marionnettiste que j’étais et que je suis, toujours. Le fait de découper les peluches, les vider, les recoudre, transplanter leurs yeux, leur adjoindre des prothèses dentaires me plongeait dans des rituels de médecin: j’étais à la frontière de la destruction et de la re-création par la métamorphose. Plasticienne, marionnettiste et un peu taxidermiste de jouets, je me suis mis à les mettre en scène, à leur donner l’illusion d’être des créatures embaumées, je leur posais des fils de-ci, de-là. En tirant sur ces fils une oreille se soulevait, une patte se baissait, un œil clignait, une mâchoire s’ouvrait. Ainsi les doudous étaient les cousins de mes marionnettes. Mes doudous taxidermisés sont les cris réprimés, les secrets terribles, les douleurs invisibles, les souffrances ignorées de tous les êtres croisés de près ou de loin dans ma vie, des histoires que l’on me raconte, des choses que je vis. Alors, comme je pratique le clown, l’humour s’est invité, certains le jugeront grinçant. Mais comment rire sans se tordre un petit peu devant nos histoires humaines ? Les doudous répondent à une pulsion artistique un peu mystérieuse car ils arrivent, s’imposent et repartent. J’écris avec eux, des bribes de ressentis, des guenilles de pensées. Je travaille avec l’objet, à la frontière du vivant et de l’inanimé, du paraître et de l’être. En 2017, j’ai répondu à un nouvel «appel» des doudous. J’ai récolté d’abord. Puis je me suis mise au travail. Chacun d’entre eux renferme une histoire, un cri, une parole, un texte, un moment arraché au néant. Là je suis à nouveau un peu rassasiée, délestée aussi. Je peux enfin me consacrer à d’autres travaux. Qui sait quand les doudous viendront me hanter à nouveau ? »