LE NEN Bernard

LE NEN Bernard

Né en 1954 à Bizerte en Tunisie. Vit et travaille dans le Gard. Je pourrais vous dire que je suis né il y a quelque temps, pas longtemps après la guerre, dans un autre pays, au bord de la mer. Que j’ai vécu au bout des terres, ici, ailleurs, à la ville un peu, à la campagne souvent. Que j’ai été à l’école, que j’y ai appris à lire, à écrire, à compter et à dessiner dans les marges. Je pourrais vous dire aussi que j’ai fait des tas de boulots, pas bien payés, qui souvent faisaient mal aux mains. Que j’ai pris mon temps quand même pour autre chose que le travail, pour l’amour, les amis, pour les enfants. Je pourrais vous dire encore que j’ai failli mourir, plusieurs fois. Au moins trois. La dernière c’était il n’y a pas longtemps. Que pour l’instant ça va. Que parfois je fais la cuisine, le ménage. Je pourrais vous dire enfin que souvent il m’arrive de peindre, d’étaler la couleur, de créer des images… Secret de Polichinelle me répondrez vous et vous auriez raison… Alors quoi, se taire ? Et pourquoi pas ? Bernard Le Nen Regarder la peinture de Bernard Le Nen est un exercice périlleux qui ne peut que venir raviver nos terreurs d’enfance. Qui, enfant, n’a jamais un instant hésité à faire pivoter la clenche de la porte du cabinet noir, tâtonnant à la recherche de l’interrupteur, de peur de s’y trouver confronté à ce qui, là, grouille dans le noir en toute impunité ? Ou bien encore, regagnant les parties les plus obscures du logis, dans les demeures anciennes, qui n’a pas eu le sentiment tenace, rémanent, d’être épié, suivi, escorté d’une présence innommable, dont l’ombre s’attache à la nôtre, et, tremblant, de ne même pas pouvoir se retourner pour scruter l’épaisseur vibrionnante de la nuit ?... Remarquable chez ce peintre cette capacité à laisser courir la main ; remarquable également cette faculté qu’ont le trait et la couleur, d’articuler les êtres, de les lover les uns dans les autres, réalisant ainsi un engendrement continu qui lie les têtes aux corps, ancre les humains aux bestiaux, infère l’animal du végétal, déduit l’intérieur de l’extérieur… Bernard Le Nen, le ténébreux, peintre de retables, enlumineur du démoniaque, pourvoyeur de gnomes lippus et de succubes mélancoliques est bien notre contemporain. Il nous entraîne à pas furtifs dans la forêt des origines et des peurs ancestrales. Peut-être pourrait-on trouver aux créatures de Bernard Le Nen quelque chose qui les apparente aux figures Vaudou? Le bestiaire fantastique que dépeint Bernard Le Nen fait plus que nous cerner, il nous habite…. N’attendez pas de sa peinture qu’elle dissipe vos angoisses, elle les peuple, les hante, elle les fait exsuder de l’inquiétante familiarité de vos propres fantasmes. Bernard Le Nen se situe sur la frange incertaine où se recouvrent les flux et reflux du conscient et de l’inconscient, de l’humanité et de la bestialité, de l’intelligible et du sensible, du rationnel et du fantastique. Et son travail vient à point pour nous rappeler qu’image et magie ne sont qu’un seul et même mot. Alain Bouillet