Née en 1944, vit et travaille à Cudot 89 « D’aussi loin que je me souvienne, mon enfance a été bercée par le mouvement de la vie… autour de la mort. Nous étions des enfants des « Pompes » (Funèbres) ; tâche exercée avec ferveur et fierté par mon père. Ordonnateur. J’ai vécu dans les fastes mortuaires. Spectacle merveilleux des voitures à chevaux empanachés de noir et argent. Couronnes de fleurs fraîches. Tentures théâtrales dressées pour les voyages vers la lumière. Symboles chrétiens, ex-votos, éléments végétaux, portraits de famille et culte des souvenirs seront le lot de mon quotidien. Repères dressés pour préserver et projeter le passé vers le futur dans une immortalité lumineuse… Très tôt me vint l’idée, confuse encore, d’offrir une vie éternelle aux rebuts dérisoires ; je construisais avec ceux-ci mon monde de joie et de magie. Et au fil des jours je me suis appliquée à faire renaître le passé de ses cendres. C’est un bonheur dont je ne me lasse pas ! J’ai le désir profond de renouer les liens avec les ancêtres à travers les vestiges de leur vie, de juxtaposer leurs reliques disparates afin de faire surgir de mon monde intime un chemin vers la lumière. » mleh « Mystère. Comme au Moyen-âge, dans les églises, aux fontaines et sur les places publiques… Plusieurs jours durant se donnaient à voir les mystères de la Passion, j’offre mon mystère à qui le veut. Au fil des jours, j’avance, passagère de mon inconscient imaginaire ; je m’emploie à découvrir des horizons lointains, sans limite : orient, occident, jardins fantastiques baignés de lumière mystique. J’y médite, j’improvise au fil du temps un univers fait de mes pulsions, de mes humeurs, de mon esprit d’aventure, de vestiges du passé renaissant de leurs cendres ; tout cela me conduit vers des lieux empreints de merveilles impalpables. Tout se met à chanter des psaumes… Le jour arrive clair et joyeux. Les lendemains parfois déchantent, ils se brisent, j’en garde les reliques, les invite à une renaissance ! La boucle se ferme, tout renaît, tout se transforme ? ». Elle est conviviale, gaie, rieuse même. Néanmoins, à considérer son œuvre, il semble que Monique Le Hingrat porte en ses gênes les dramatiques réminiscences d’une enfance passée à côtoyer la mort, fût-elle liée au décorum des Pompes Funèbres… Le noir intense de la mort s’est mué en bleu. Car le bleu est sa couleur. Les bleus, plutôt, auxquels elle est « obligée » de revenir d’œuvre en œuvre. Telle une fatalité à laquelle elle ne peut résister, quelle que soit son idée de départ. Parallèlement, a disparu le faste des monuments qui devaient apparaître à l’enfant immenses et effrayants. Ils sont devenus chapelles à l’échelle humaine… Néanmoins ces sites sont habités. Qui sont ces créatures dépourvues de membres ? … Pour l’artiste, rien de religieux ne vient hanter ces lieux ; et ces êtres ne sont pas des anges ; même si, dans ces ambiances chargées de mysticisme, ils seraient parfaitement chez eux ! Alors, pourrait-il s’agir de tous les morts de naguère dont le défilé dans le funérarium paternel perturba si fort ses jeunes années ? Et qui, grâce à son pinceau, parviendraient à des limbes où elle les déposerait, afin qu’elle puisse, enfin, trouver la paix ? Sont-ils « des gens » tout simplement ? Devinés plutôt que vus. Évanescents. » Courts extraits d’un texte de Jeanine Rivais.