6 - Michel Hénocq

6 - Michel Hénocq

Né en 1938, vit et travaille à Angers « Je ne suis pas un artiste con-temporain, je suis un artiste a-temporain. Je ne peins pas pour passer le temps. Avec ce mode d’expression, je me remets en cause à chaque nouvelle œuvre, opposé en cela à toute peinture artisanale dans laquelle l’artiste refait avec application les gestes qu’il connaît. Fabriquer n’est pas créer. Je ne vis pas en dehors de mon époque. En tant qu’artiste je ne puis me contenter de faire de l’art pour l’art, une peinture qui se situerait hors du temps. Ni voyeur, ni moraliste, je tente par une figuration singulière faisant appel aux sources des hantises de l’inconscient collectif et à des allégories obsessionnelles, d’exprimer mes colères face aux absurdités présomptueuses du monde. Non sans délectation ! Je revendique une peinture d’images. Je revendique le droit d’exprimer ce qu’il y a en moi ! Le droit de raconter des histoires. La peinture appelée à tort « abstraite » a fini par tarir l’imagination, l’idée, le sujet, pour se réduire à l’objet décoratif, acceptée et de bon ton, parce qu’elle ne pose pas plus d’interrogation que le canapé, le lampadaire ou la broderie Miao rapportée du voyage en Chine. L’académisme aujourd’hui a changé de bord. L’œuvre d’art aujourd’hui fait plus appel à l’intellect qu’aux sens. La notice mode d’emploi qui explicite la démarche de l’artiste permet de se croire intelligent et dispense de la réaction émotive, passionnelle, du ravissement qui, comme chacun le sait, troublent l’esprit et faussent le jugement. Les critiques d’art, par crainte de s’engager dans des choix qui feraient appel aux tripes, sont rassurés par le « concept » qui ne s’adresse qu’à leur intelligence. Ils comprennent tout ce qu’on prend le soin de leur expliquer. Le reste c’est la jungle et ce ne sont pas des aventuriers. A-t-on à ce point peur de l’image et de ce qu’elle peut ou veut vous dire, comme on a peur de la mort au point de la cacher ? Ou bien n’a-t-on plus d’imaginaire ? Bien sûr l’image, avec sa prolifération par le moyen des magazines, de la publicité et de la télévision a perdu de sa puissance à transfigurer le réel quand le quotidien vous assène la mort d’un homme en direct, les cadavres calcinés d’enfants, l’explosion des tours jumelles. Quel artiste est de taille à rivaliser. Pour ma part, je cherche à retourner aux sources des hantises, des interdits, de l’inconscient collectif par l’intermédiaire d’allégories obsessionnelles. Non sans délectation. Il faut une sacrée dose de vice, d’obstination et d’orgueil pour peindre aujourd’hui. »